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QUALI-REPORTAGE : pour l’ingénieur Arnaud Letort, le low-tech est une nécessité pour demain…

Le concept QUALIVRAC, c’est l’illustration d’une application bien pensée du « low-tech », c’est-à-dire d’une technologie simple, pratique et économique. Mais simple ne veut pas dire que cela ne nécessite pas un travail poussé et hautement réfléchi en amont, comme en témoigne Arnaud Letort.

Arnaud, à quel niveau participez-vous au concept QUALIVRAC ?

Je suis ingénieur, gérant de la société Altilabe. J’ai été longtemps salarié dans différents bureaux d’études, avant de devenir indépendant en 2012.

Je fais de la CAO (conception assistée par ordinateur), allant de la modélisation en 3D et de la mise en plan sur ordinateur à la réalisation de rendus réalistes. Je travaille dans des univers très différents : emballages en bois de grosses pièces mécaniques, salles de bain préfabriquées pour navires, skates électriques, mobilier urbain, etc.

Concernant QUALIVRAC, je n’ai pas participé à la création des premiers modèles, mais j’ai travaillé à leur amélioration ultérieure, en binôme avec Matthieu Reumaux, et actuellement je participe à la réalisation des futures versions, toujours dans un souci de simplicité de fabrication et de maintenance minimale, avec le moins de pièces possibles, et bien sûr de simplicité d’emploi, tout en restant fiable, dans le droit fil de la philosophie chère à Matthieu

Solutions Low-Tech

Arnaud Letort, spécialiste de la CAO

Comment fonctionne un tel binôme ?

En général, quand Matthieu a une nouvelle idée, il m’en envoie un croquis – il est lui aussi ingénieur de formation, croquis que je modélise sur écran en trois dimensions. Cela permet d’avoir une première idée du produit fini, de son design, mais surtout de vérifier sa fonctionnalité. Je lui renvoie alors cette version en 3D, avec des plans, des photos du rendu réaliste, etc. J’y joins un compte-rendu de ce qu’il m’a demandé et de ce que j’ai pu réaliser, mais aussi de ce que je n’ai pas pu concrétiser en raison de certains paramètres que nous n’avions pas pris en compte, de certaines contraintes. Je lui suggère également des améliorations qui seraient intéressantes à faire…

Notre échange continue ainsi, avec validation ou non successive par chacun de nous deux, avec parfois trois ou quatre allers-retours jusqu’à que nous aboutissions à quelque chose nous permettant de fabriquer un prototype réel.

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Les premiers croquis naissent sous la main experte de Matthieu Reumaux

CAO et « low-tech », est-ce compatible ?

Totalement ! La visualisation technique réaliste offerte par la 3D permet de limiter le nombre de pièces dont on a réellement besoin et de confirmer qu’un mécanisme simple fonctionnera aussi bien, voire mieux, qu’un mécanisme complexe, ce qui sera de plus un gage de fiabilité. Comme le dit cette citation attribuée à Antoine de Saint-Exupéry, « la perfection est atteinte non quand il n’y a plus rien à ajouter, mais quand il n’y a plus rien à retrancher ».

De plus, la 3D permet aussi de faire des animations sur écran, avec les pièces qui s’articulent et qui fonctionnent comme dans la réalité. On peut donc voir si deux pièces s’assemblent bien à l’usage, si elles n’entrent pas en conflit, etc. La 3D permet ainsi d’éviter au final de faire plusieurs prototypes avant d’arriver à la bonne solution et on évite donc du gaspillage. Économiser les coûts de développement s’inscrit aussi dans l’esprit low-tech !

Dans la pratique, cela signifie quoi ?

Par exemple, quand on cherche à concevoir un appareil, on va imaginer peut-être 4 pièces qui vont constituer un assemblage fonctionnel. Au fil de la conception, on ira peut-être jusqu’à 10 pièces, car on se rend compte parfois qu’on a oublié certains éléments, certaines fonctions, qu’il faut donc rajouter. Mais après, l’objectif sera de redescendre quand même à 3 ou 4 pièces, en essayant de trouver quelque chose de simple qui correspond plus à l’idée de départ mais qui sera malgré tout plus abouti.

Travailler le bois et le métal plutôt que le plastique s’inscrit aussi dans l’idée de low-tech ?

Le plastique est certes moins cher et n’offre quasiment aucune limite en matière de design. Mais le bois et le métal restent des matériaux couramment utilisés dans de nombreux domaines, en raison de leur durabilité, de leur résistance et de leur fiabilité. Je pense à l’instant, en disant cela, à la perceuse de mon père qui était en métal et non en plastique, qui est toujours là et fonctionne toujours très bien, après de nombreuses années ! Quelque part, ce n’est donc pas si compliqué que cela de renoncer au plastique pour des systèmes mécaniques : c’est une question de volonté.

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Les systèmes « usine à gaz », c’est du passé…

Vous qui œuvrez dans de nombreux domaines, est-ce que vous constatez que le concept du low-tech est relativement répandu ?

Oui et non. Cela n’est pas forcément la demande de tout le monde et souvent on ne me l’exprime pas clairement. Pour moi, en fait, la qualité indispensable pour un ingénieur « malin » d’aujourd’hui, c’est non pas de chercher à se faire plaisir en concevant des systèmes complexes avec le plus de pièces possibles, comme on le voit parfois, mais bien de chercher les meilleures solutions pour qu’il y en ait le moins possible et que l’utilisation soit également simple. Souvent, aussi, la première chose qui guide les concepteurs d’un nouveau système, c’est l’aspect financier. Mais s’ils avaient plus le low-tech à l’esprit, ils se rendraient compte que celui-ci va souvent dans d’économies bien pensées. Pour parler vulgairement, les systèmes « usine à gaz », c’est donc du passé…

C’est pour cela que la démarche de Matthieu, volontaire, est très intéressante, car elle n’est donc pas si courante au quotidien

Le low-tech, c’est une nécessité pour demain ?

Oui bien sûr. Cela doit être un objectif pour tous les ingénieurs d’aujourd’hui. Il faut aussi arrêter de concevoir des produits inutiles et se recentrer sur la création de produits utiles, en faisant en sorte qu’ils soient durables dans tous les sens du terme, c’est-à-dire d’une part écologiquement parlant – consommer le moins possible de ressources, être facilement recyclables – et d’autre part sur le plan de la durée dans le temps, à l’opposition de l’obsolescence plus ou moins programmée.

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